Le 20 octobre 1982, mon fils Eric se suicide. Il a 24 ans.
Bouleversé, je suis en quête d’un « Ailleurs ». J’assiste à de nombreux ateliers et conférences sur le « Cheminement Intérieur. » Je participe à l’atelier théologique sur les « Dix Commandements ― Les Dix Paroles de Vie » de Cécile Garcet, psychothérapeute d’orientation analytique formée en science théologique orthodoxe et de judaïsme. J’écoute la conférence de Sogyal Rinpoché sur son livre de 515 pages « La vie et la mort ». Très impressionné par le sujet, je participe à son enseignement sur « L’accompagnement des mourants ». Après des années d’errement, je décide de faire le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle certain de retrouver un sens à ma vie, après une enfance marquée par Myezi et Kazadi, (deux nounous noires), des séparations, des « Ave Maria », des internats, des dortoirs, le choléra à Durban, « Ermite » au bord du lac Léman. La Belgique ― Ninane la campagne, mes études.
Le 12 septembre 1995, je renonce à toutes expertises judiciaires. Mets fin aux cours du soir de dessins d’architecture. Pancarte « À vendre » sur ma maison. Le 20 septembre 1995, je quitte Bruxelles pour le Puy-en-Velay. Je pars seul, sans réservation d’hébergements, ni « Nokia ». Je me fie à la « Divine Providence. » Santiago est à 1.800 km.
« Lorsqu’une blessure profonde nous est faite, nous ne guérissons jamais tant que nous ne pardonnons pas. » 1
À Fromistra sur le Camino Francès en Espagne, je rencontre Armand. Il est sourd et muet. Il a 37 ans. Il fait partie avec Françoise, les deux Michel N et P, Marc, Pierre-Louis, de l’ASBL « Les Coquelicots ». Tous ont apprivoisé la peur de l’inconnu. Armand et moi avons parcouru 480 km main dans la main. Un moment de grâce inoubliable.
Ce chemin aurait pu être celui de l’Himalaya, mais il se fait que le chemin que j’ai emprunté est celui de Saint-Jacques-de-Compostelle. Je ne l’ai pas choisi parce qu’il a la particularité d’appartenir à un pèlerinage religieux et chrétien, connu depuis le moyen âge et qu’il s’accompagne, d’attentes d’exaucements et d’interventions miraculeuses de puissances supérieures dans des affaires terrestres et matérielles. Je l’ai choisi parce qu’il est parcouru par des personnes de toute conviction, usant pour se faire de rites différents selon la volonté de chacun.
René MATHY – épouse Josette
