HISTOIRE DU CHEMIN

Comment tout a commencé.

Galice 813.

Un ange annonce au moine Pelayo de la présence du corps de Jacques, apôtre de Jésus. L’évêque n’a aucun doute. Ce sont les sépultures de Jacques le Majeur et de deux de ses condisciples Athanase et Théodore. Le champ du sépulcre est aussitôt dénommé «campus stellae» ou le champ de l’étoile. Mais aussi le mot provient de la déformation du latin «compostum» signifiant cimetière ou séjour après la mort. des tombes romaines ont été découvertes..

Qui est Jacques le Majeur ?

La seule source de la vie de Jacques le Majeur est issue des Evangiles. Jacques est le fils de Zébédée et le frère de Jean l’Evangéliste. Jésus surnomme Jacques « Boanergès », c’est-à-dire le fils du Tonnerre. Ce surnom suggère un caractère véhément, impulsif, passionné. Il participe aux grands événements de la vie du Christ. Après la mort du Christ, Jacques s’en va prêcher la bonne nouvelle avec deux condisciples en Hispanie. Aucune preuve historique ne vient étayer ce voyage, ni le contraire. Ils arrivent à Gadès aujourd’hui Cadix. Puis par la voie romaine reliant Gadès à Gijon, ils bifurquent à Asturica Augusta aujourd’hui Astorga et marchent vers l’Ouest où le soleil se couche sur les pas d’autres hommes : les celtes. Ils auraient christianisé les peuples de cette contrée.

La mort de Jacques le Majeur, la translation de son corps.

De retour d’Hispanie, Jacques, à cause de sa foi chrétienne, est décapité sur ordre d’Hérode Agrippa 1er en 44. Voici une nouvelle légende, celle de la Translation de Jacques entre Palestine et Galice. Athanase et Théodore débarquent dans le port d’Iria Flavia aujourd’hui Padron et demandent une sépulture pour leur compagnon à la Reine Lupa. Elle refuse mais les envoie dans la montagne où ils trouveront un troupeau de bœufs sauvages. Les bœufs se laissent apprivoiser. Jacques reçoit une sépulture chrétienne à cinq lieux d’Ira Flavia à Asseconia.

La gloire du chemin : de l’IXième siècle à la guerre de Cent ans.

Les siècles passent. Les origines du culte de l’Apôtre sont attestées au VIème siècle, VIIième siècle et VIIIième siècle. Revenons au début du IXième siècle. Au Moyen-Âge, l’église du Christ exhorte les fidèles à se rendre sur tous les lieux de sépultures où reposent des saints. Ces pèlerinages permettent à l’église d’une part d’implanter plus solidement la foi chrétienne et d’autre part de s’assurer, une source non négligeable de revenus. Quelle est la situation des pèlerinages en orient et en occident à l’aube du IXième siècle ? En orient, le voyage à Jérusalem est onéreux, long, difficile. En occident, une autre tombe d’un apôtre est vénérée, celle de Pierre à Rome mais le soleil de Rome commence à pâlir à causes des luttes de l’Eglise et de l’Empire. Le voyage romain devient fort dangereux. Compte tenu de la situation historique et religieuse du moment, l’invention de Galice tombe à pic. L’événement est une excellente aubaine pour l’église et la royauté ; pourquoi ? Le roi, Alphonse II considère que le royaume a besoin d’un guide pour les armées et d’un patron pour le royaume. L’église cherche un saint pour galvaniser les foules, conduire la guerre contre les Maures, renflouer les caisses. Jacques peut aisément rivaliser avec Rome et relancer les pèlerinages. Dès l’annonce de la découverte, le roi se rend aussitôt en pèlerinage et construit une première église En 844, Saint Jacques sur un cheval blanc, à la bataille de Clavijo, village près de Logrono. Les Chrétiens sont victorieux. Saint Jacques est le symbole de la lutte contre les infidèles ; les musulmans. La reconquête ou «Reconquista» des territoires perdus par les chrétiens commence. Saint Jacques est représenté dans l’iconographie sous trois formes : Saint Jacques Pèlerin portant besace, gourde, bourdon et coquilles au chapeau ; Saint Jacques, drapé dans une toge, pieds nus, portant le livre de la nouvelle loi avec deux insignes : croix primatiale à double traverse (l’Eglise catholique espagnole le considère le premier archevêque Espagne et l’épée avec laquelle il fut décapité; Saint Jacques Matamore à cheval et épée dans la main . En 899, une nouvelle église est consacrée à Santiago-de-Compostela. En 950 ou 951, un évêque du Puy-en-Velay, Godescalc entreprend le pèlerinage. Un guide paraît en 1140 celui d’Aimery Picaud. Le guide indique quatre routes : La «via Turonensis», dite voie de Tours, la «via Lemovicensis», dite voie de Vézelay, la «via Podensis», dite voie du Puy-en-Velay et la «via Tolosana», dite voie d’Arles. Trois voies se rejoignent à Ostabat. La quatrième celle d’Arles franchit le Somport et rejoint ses sœurs à Puente la Reina pour ne former qu’une chaussée jusqu’à Santiago-de-Compostela ; le Camino Francès. Il précise les étapes et donne des renseignements sur les contrées traversées. Il trace également des portraits pas toujours flatteurs des populations rencontrées Le chemin commence à prendre de l’importance. L’art roman s’amplifie. Sous l’influence de la puissante abbaye de Cluny, des monastères et hôpitaux accueillent les pèlerins.

Le déclin (1337-1808)

Après l’apogée, c’est le déclin. Guerre de Cent Ans. Réforme. Guerre entre l’Espagne et l’Angleterre. Voyant le navigateur anglais Sir Francis Drake croiser les mers de Galice, les habitants de Santiago-de-Compostela dissimulent le reliquaire de l’Apôtre. Le règne de Louis XIV et tout particulièrement la guerre de Succession d’Espagne de 1701 à 1713, mettent de nouveau un frein au pèlerinage vers Santiago. Louis XV, interdit purement et simplement les pèlerinages en terre étrangère. Le Siècle des Lumières, la Révolution française, l’Empire signent l’arrêt des pèlerinages en terre galicienne.

La renaissance (1878 – à nos jours)

Malgré toutes ces vicissitudes, le chemin de Compostelle ne sera jamais interrompu. Des confréries de Jacquaires naissent. Depuis 1587, l’emplacement exact du tombeau est perdu mais en 1878, l’archevêque Paya fait entreprendre des recherches. Les reliques sont retrouvées le 28 janvier 1879. Le pape Léon XIII proclame que le reliquaire est bien celui qui avait disparu en 1587. En 1946, la tombe de l’évêque Théodomir est découverte. En septembre 1988, lors de fouilles dans la Cathédrale, une inscription est découverte en caractères grecs. Elle porte le nom d’Anastase, compagnon de Jacques. Elle semble être du premier siècle Malgré les fouilles récentes, les historiens ne se persuadent pas de l’authenticité des ossements de Saint Jacques déposés dans la chasse de la cathédrale. Aujourd’hui, nous savons qu’une nécropole antique s’élevait dans les environs du sanctuaire. Ce cimetière romain aurait-il illusionné Théodomir ? Qui est dans ce tombeau ? Jacques Chocheyras, Professeur émérite émet une troublante hypothèse, la voici. Le tombeau de Compostelle serait celui de l’hérésiarque Priscillien.

Qui est Priscillien ?

Priscillien naquit en Bétique vers 340. Son éloquence attire vers lui de nombreux disciples. Evêque d’Avila, il est condamné une première fois à Saragosse. Les évêques de d’Ossonuba et de Mérida sollicitent l’Empereur Gratien. L’empereur doit sévir. Priscillien et ses compagnons sont exilés. L’évêque Hydacius ouvre un concile à Bordeaux et convoque Priscillien afin de statuer sur son cas. Mais Priscillien préfère être jugé par le tribunal séculier de Trèves dirigé par Maxime et il est condamné à mort en janvier 385. Saint Martin de Tours, saint Ambroise de Milan et le Pape Sirice condamnent cette sentence. En 563, la doctrine est définitivement condamnée au premier concile de Braga. Mais ces disciples le vénérèrent comme martyr notamment en Galice et au nord du Portugal. D’aucuns pensent que son corps fut ramené d’Allemagne en Galice d’où l’analogie avec saint Jacques. L’Eglise, se serait-elle appropriée la vénération populaire près de cette tombe ? Cette thèse est possible mais aucun élément fiable ne vient l’alimenter ni d’ailleurs la démentir. Au milieu du vingtième siècle, des historiens étudient le Chemin de Santiago-de-Compostela. A Paris en 1965 la première exposition sur les Chemins de Santiago-de-Compostela est organisée. Vers 1970, des bénévoles du Puy en Velay défrichent le premier tronçon du GR65 entre le Puy en Velay et la Chapelle Saint Roch près de Chanaleilles. En 1982, le Pape Jean Paul II est pèlerin à Santiago. Son voyage donne une nouvelle impulsion au Chemin. Le 23 octobre 1987, le Chemin de Saint Jacques est proclamé Premier Itinéraire Culturel Européen. En 1989, Jean Paul II préside les Journées mondiales de la Jeunesse à Santiago-de-Compostela. En 1993, le Camino Francès est inscrit au Patrimoine mondial de l’humanité.